5 ans c’est long et c’est court…

Article écrit le 9 avril 2022 avant le 1^er tour des présidentielles

Alors ça dit quoi mes petits électeurs trotsko(2)-macrono-mélenchono-socialos-écolos pour dimanche ? ça se tate encore ou ça s’est décidé depuis longtemps ? On en reprend pour 5 ans du manu qui descend pas ou on tente l’aventure (laquelle d’ailleurs ?)

Je sais pas pour vous mais moi je m’ennuie pas ! Y a une vraie campagne, un peu zarbi parce que le titulaire veut pas causer aux autres, mais y a de l’actu quand même, les challengers (pas toujours fréquentables) se laissent pas faire, ça bouge tous les jours. Bah je m’en vais vous dire ce que j’en pense mes bons.nes me.sieurs.dames (oups, j’essaie l’inclusif aie j’y arrive pas. J’arrête. Tant pis mes filles déconstructionno-woko-anti patriarquistes vont me détester, mais je prends le risque).

D’abord faut que je vous dise ce qui me guide : j’ai une obsession (et je ne me soigne pas).

Un bon matin je prends la 13 Chatillon-Asnières Genevilliers, une des lignes les plus bondées du métro parisien. A moitié comateux, masque sur le bec, ziq de sauvage dans les oreilles, mon regard morne se pose sur une affiche : une gamine aux yeux tristes, un post it « PAUVRE » collé sur le front, et ce commentaire : « il faut 6 générations en moyenne pour qu’une personne passe de la pauvreté à la classe moyenne ». J’ai cru que c’était une statistique sur le tiers monde genre Sahel, Afghanistan, etc. Mais non, cela concerne notre beau pays : En France, six générations sont nécessaires pour sortir de la pauvreté (rfi.fr). 6 générations c’est 180 ans, vous avez bien calculé.

Donc on dit quoi là ? Liberté, Egalité, Fraternité ? Start-up nation, transformation, c’est notre projeeet ?

Mon maitre à penser, le petit père Todd, Vannetais d’adoption, le résume bien dans sa « lutte des classe au XXIe siècle » : le bloc bourgeois, allié au grand patronat et à l’élite stato-financière – 15/20% de la population – condensé du capital financier et culturel, se fout comme de l’an quarante du sort des 9 millions de pauvres (~15% de la population) et de la classe moyenne inférieure, celle qui prie pour ne pas tomber plus bas. Ils savent qu’il y a des pauvres, mais ce n’est pas leur problème. Ce n’est pas une question politique pour eux, juste une aumône à acquitter directement ou une délégation à des associations spécialisées. Ils oublient qu’ils l’ont eux-mêmes été (pauvres), contrairement à ce qu’ils veulent faire croire (mon père ceci mon grand père cela, genre batman et superman à la fois, on connait bien) et sont surtout (pré-) occupés par leur nombril. C’est immense un nombril, il faut le nourrir, l’entretenir, le bichonner, on est débordés, ça laisse pas de temps pour les autres. Et puis des pauvres, c’est l’assurance d’avoir des gens en dessous de soi, et le loisir de les mépriser…

Alors ils délèguent la besogne à un héraut et font mine de regarder ailleurs (un œil dans le rétro quand même pour surveiller qu’il reste bien dans la matrice).

Mais il s’est passé quoi au fait depuis 5 ans ? Parce qu’on dirait qu’on a oublié…

Le héraut est convaincu de la noblesse de sa mission, qu’il place bien évidemment sous le signe du progrès. Et le voilà lancé. Voilà que je te fluidifie le marché du travail (comprendre : vous allez être virés plus rapidement). Voilà que le travail paye plus que la glandouille (on va te raboter sérieusement tes Assedic tu vas voir espèce d’assisté, je m’en fous que tu sois vieux et que personne ne veuille de ton expérience). Voilà que je te fais rêver avec un beau système de retraite unifié juste et universel pour mettre fin aux égoismes corporatistes, basé sur un système de points indexé sur la croissance et dont la valeur de référence est calculée tous les ans par on ne sait pas trop qui dans un ministère, et approuvé par le grand yamamouchi. Tu comprends pas que c’est pour ton bonheur, c’est pas grave.

Heureusement on a gueulé bien fort, il a commencé à prendre peur, et Super Covid nous a sauvés (arrête tes passions tristes, faut voir le côté positif) ! Avant il avait baissé les APL de 5 euros, mais c’est quoi  5 euros mon bon monsieur ? Vous zavez qu’à pas acheter d’écran plat (toutes les télés ont des écrans plats connard, on est plus au temps de Pathé-Marconi) et être responsables (c’est bien connu les pauvres sont irresponsables et les riches évadés fiscaux sont très responsables). Le monarque et ses thuriféraires devraient se pointer à un guichet de La Poste ou de la CAF voir « tous ces gens qui se sont rien » demander si leur mandat est arrivé ou faire un retrait de 10 euros. Mais ce monde là n’existe pas pour eux…

Au milieu de tout ça, le héraut et les messieurs qui ont la science infuse décident d’augmenter le prix des carburants automobiles avec une taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (prends ton souffle pour le dire). Et alors là boum badaboum, les gueux se révoltent, se regroupent sur des ronds-points, cotisent pour des barbecues, installent des cabanes en disant qu’ils ne bougeront pas et défilent sur la plus belle avenue du monde. Ils sont stoppés à 50 mètres du mur arrière du palais par des ninjas qui ont bien négocié leur prime. Cela faisait tellement longtemps que les vilains ne s’étaient pas rebiffés que tout le monde en est éberlué. Ah bah dis donc, ceux qui ne sont rien demandent à être quelque chose ? Mais comment est ce possible ? Allez éborgnez moi ça, arrachez quelques bras, mettez-en au cachot, laisser trainer quelques (flash) balles et qu’on en parle plus. Je pars au ski, je veux que ça soit réglé à mon retour. L’affaire s’avéra un peu plus corsée que prévue. Le sinistre de l’intérieur étant occupé à draguer en discothèque, il a fallu virer un préfet mollasson et le remplacer par un émule du sinistre Bigeard (on n’est pas du même camp). Le héraut intrépide se sentit bien seul et trouva refuge tout amaigri dans son bunker. Une bonne fée lui suggéra alors de retirer son projet et de contre-attaquer avec son atout maître : les numéros de claquette à la Fred Astaire, pompeusement baptisés « grand débat ». De l’enfumage à grande échelle (12 millions d’euros, ah quand même ?) et des archives dont le grand mérite sera de constituer le matériau de travail des sociologues de demain.

A part ça, une pratique démocratique aux antipodes des belles annonces : une trentaine de proches ou autres trempés dans des affaires louches (Kohler, Omar de Rugy, Buzyn, Benalla, Bayrou et ses assistants parlementaires, un ministre de la justice attaqué pour prise illégale d’intérêt du jamais vu, un président de l’assemblée qui a présidé une mutuelle et dont la compagne dispose fort opportunément d’un local à louer alors que justement la mutuelle en cherche un, une ministre de la culture qui oublie de déclarer des travaux, un commissaire à la réforme des traites qui se trompe dans sa déclaration de patrimoine c’est ballot, un ministre de l’intérieur en (forte) demande de services sexuels, j’en passe et des meilleures). On l’a vu avec nos yeux : le nouveau monde, c’est la même chose que l’ancien monde, avec des seconds couteaux. Sinon des simulacres de consultation citoyenne, une restriction continue des libertés, deux ans sous état d’urgence, une loi inique sur le séparatisme (hypocrisie et laicité sélective). Et deux ans de conseil de défense pour un processus de décision complètement opaque (mettez vos masques, restez chez vous, sortez à 10 kilomètres, excipes ton QR code, etc.).

Je n’insiste pas trop sur la gestion du COVID car n’importe quel gouvernement aurait fait des erreurs. L’aveu aux larmes d’une ministre expliquant qu’elle voyait venir la catastrophe, le spectacle désopilant d’une porte-parole expliquant la difficulté à porter un masque…Cette crise aura surtout mis en évidence des maux plus profonds : l’abandon de toute recherche de long terme sur les COVID (depuis 2003), des labos pharmaceutiques invités à se gaver, la suppression continue de lits à l’hôpital (presque 5000 en plein crise), la désindustrialisation dramatique de notre pays, les travailleurs de première ligne seuls au front, autant de maux pour lesquels les décideurs de droite comme de gauche portent une responsabilité accablante.

Sur le plan de l’écologie, deux condamnations de la France pour inaction climatique après un spectaculaire « make our planet great again » censé répondre au Trump Power. Le glyphosate maintenu ainsi que les fermes-usines, et le chlordécone à passer par pertes et profits pour nos compatriotes Guadeloupéens (ça leur fait quand même beaucoup de pertes et de colères à la fin). Liste non exhaustive bien sur. Le GIEC nous prévient : il nous reste 3 ans pour tenter de sauver quelque chose…

Au niveau économique, l’ISF supprimé, on n’a pas vu l’argent ruisseler mais ça doit être de la faute à la gargouille qu’est bouchée (faudrait peut être jeter un œil et vérifier qu’elle passe pas au-dessus des frontières). Ah oui sinon il y a les chiffres de l’emploi qui sont parait-il meilleurs à environ 7.5%. Mon œil va ! Si le taux de chômage des 15/24 ans est historiquement bas à ~15%, le nombre de chômeurs toutes catégories confondues (A à E) reste à peu près stable. L’illusion d’optique s’explique principalement par le « miracle » de l’apprentissage pour ~900 000 postes (soit les 2/3 de la hausse de l’emploi salarié), système largement subventionné, ce qui revient à créer des emplois aidés, et à augmenter la dette publique. De plus, il ne serait pas absurde d’y ajouter le halo du chômage (1.8 million de personnes non décomptées car ne répondant pas aux critères du BIT). Les 1,5 millions d’auto-entrepreneurs (salaire moyen inférieur à 600 euros, disparition de 50% au bout de 5 ans), les stagiaires (~1 million) et les services civiques (100 000) participent de « l’uberisation » de l’emploi, forme contemporaine de la précarité. A la fin on peut légitimement s’interroger sur la réalité de cette amélioration proclamée et se demander dans quelle mesure la politique entamée sous Hollande et accentuée par son successeur/ héritier ( ?) y est pour quelque chose ?

Alors on nous parle des prouesses du monarque en matière de politique étrangère ? Mais de qui se moque-t-on ? Des poignées de main viriles avec Trump, pour quel résultat ? Débarquer dans Beyrouth dévasté et réclamer un gouvernement sous 3 mois ? Le Hezbollah se marre encore. Rien ou si peu avec l’Amérique du Sud, l’Inde, la Chine, le Japon ou l’Australie (sauf cette embrouille de sous-marins). Toujours la même condescendance vis-à-vis de l’Afrique et des africains (« le Président est parti réparer la clim », méprisable…). Aucun investissement sur le dossier iranien, pas un mot de mise au point vers les Saoud, ces barbares pétrolifères. Rien sur le conflit israelo-palestinien à part un pitoyable remake de Chirac à Jérusalem. Au Mali les français sont maintenant détestés. Dans tout ça aucun débat au Parlement sur l’engagement des troupes françaises à l’étranger. Et bien sur Vladimir Poutine reçu en grande pompe à Versailles. Alors en ce moment, on en fait des tonnes avec les coups de fil mis en scène vers l’apprenti tsar : c’est le minimum syndical car la France préside l’Union Européenne pour 6 mois. En résumé, le monarque fait le beau mais n’obtient rien.

On dit qu’une élection ne se joue pas sur un bilan, c’est une formule de commentateur, mais il n’est pas interdit d’y regarder quand même. Parce que les 5 années écoulées ont été éprouvantes pour beaucoup et donnent une indication sur ce qui risque d’advenir si le titulaire est reconduit. Et je n’ai pas parlé de beaucoup d’autres choses, dont les paroles méprisantes récurrentes, qui semblent ne pas choquer les tenants du bloc bourgeois….

Et il faudrait rempiler pour la même chose ? Et là on me dit, bah sinon t’auras une éleveuse de chats qui va te renvoyer chez toi. D’abord : je t’emmerde, je suis chez moi, depuis 100 ans. Ensuite tu vas pas m’obliger à choisir entre la peste et le choléra. Ah mais tu mélanges tout, t’y vas trop fort c’est pas la même chose et papati et patata. C’est la 3e fois qu’on me fait le coup. J’ai pas une vocation de castor.

That’s all folks pour ce matin ! La suite au prochain épisode (coming soon) !