De quoi ai-je vraiment besoin ?

Ma liste à la Prévert

Pour ceux qui comme moi ont le confinement heureux, cette période peut-être la confirmation d’un chemin déjà commencé de mise à distance et de tri dans les désirs qui nous habitent. Quelques idées volontairement décousues sur une vie « à la bonne heure ». Pas de catégorisation comme dans la pyramide de Maslow mais des mots à un instant précis. J’ai parfaitement conscience que cet exercice est un luxe et n’oublie pas la souffrance que peuvent porter les autres. Notamment ceux qui ont faim ou froid, qui sont malades, victimes de guerre ou de violence, la liste est malheureusement longue. Chaque jour, solidaire, je fais de mon mieux.

Alors de quoi ai-je donc vraiment besoin ?

D’avoir bien dormi, de prendre le temps d’un grand café avec juste une tartine et deux carrés de chocolat noir

De penser et d’espérer que mes proches vont bien

D’avoir le temps de lire la presse, potins et réflexions pendant deux heures

D’être en bonne santé

De faire du sport

De frapper dans mon sac de boxe quand je suis bien échauffé, 4 min 10 sur la musique de Rocky et je me prends pour Mohamed Ali

De me préparer tranquillement et de savoir que je rejoins mon travail

De me sentir utile

De gagner correctement ma vie

D’aller à mon rythme sans me soucier de la course des autres

Qu’il y ait moins de compétition et (beaucoup) plus de partage

Que la lutte pour le quotidien soit parfois un peu moins dure

D’être toujours attentif à l’autre

De saluer tous ceux que je croise

Des discussions de comptoir avec un ouvrier en blouse ou un cadre en costard

De la première gorgée de bière et de sa douce amertume

De ne pas avoir peur du lendemain

Que personne n’ait peur du lendemain

Trois tables, 10 chaises, des bibliothèques, une chaine stéréo, des livres, des vinyles, des DVD, des CD, des livres, du linge de base, un lave-linge, du papier, un stylo, des stabilos, des marque-pages, des photos souvenirs, un ordinateur portable, une connexion Internet

De l’espace

De contempler le végétal

Pas de voiture ni de moto ni de vélo, pas de séjour au ski ni de bateau

D’un repas simple la plupart du temps, de mets sophistiqués deux fois par an

Des œufs sur le plat de ma maman quand j’étais enfant

De poulet au curry, de blanquette de veau, de kiman avec du piment, de bœuf bourguignon, d’agneau tandoori, de bouchées à la reine, de biriani aux crevettes et de magret de canard. Et aussi de paella à la Valenciana, d’osso bucco, de moussaka, de tigre qui pleure, de bobun avec un œuf dur, de bœuf de Kobé, d’un bon cheesecake, d’un thieboudiene, d’un dal pouri, ou d’un nasi goreng

D’un repas en famille autour d’une table pleine de jolies couleurs et de rires à gorge déployée

De manger avec les mains au milieu des miens

D’un verre de Côtes du Rhône ou de Saint-Emilion

De temps en temps de n’avoir que de bons souvenirs

De ces parties de foot sans fin disputées gamin, et que n’arrêtait que la nuit tombée quand le ballon s’effaçait

De prendre du recul sans abimer mon arrière-train

De ne pas monter dans les tours, sauf ceux des manèges

De lire, de lire, de lire

Des essais, des romans, des nouvelles, du théâtre, des poèmes, des prières, des livres sacrés, des mythes, des bandes dessinées, des commentaires, des commentaires de commentaires, des discours, des citations, la météo, des faits-divers, des résultats sportifs, des résultats pas sportifs (qu’est-ce qu’il peut bien y avoir comme résultat pas sportif ?), Pif le chien, ah oui des journaux, des journaux, des journaux, des « hors-série », des « grands livres », des encyclopédies, des sommes, des biographies, des almanachs, des calendriers de tous les saints, des prospectus, des cartes de marabout, des cartes de visite, des faire-part de baptême, des menus de brasserie, des additions pas douloureuses, des enseignes de magasin, des cartes de métro, des pensées, des gestes, on n’a jamais fini de lire

De me pâmer devant une œuvre d’art et d’accueillir sa lumière

De musique, de musiques du monde entier, chanson française, rap français, Afrique, Asie, jazz, blues, salsa, Amérique latine, opéra, ballet, tout, tout, tout, et me laisser transporter, et chanter tout seul dans la rue

De pas de danse en attendant mon tour chez Cojean

De retranscrire sur papier les paroles du rappeur Scylla, et aussi d’Oxmo Puccino, d’Abd El Malik, et bien sûr de MC Solaar

De discuter, de me dire « je suis content de cette discussion », et de remercier l’autre pour cet enrichissement

Des grandes tablées avec les copains où on enquille les verres de rhum et de rouge en se disant à chaque fois qu’une bouteille c’est vite bu et qu’on va s’en remettre une

De voir la vie en rose

D’imaginer les chemins de vie possibles à chaque bifurcation

De contempler la mer dans tous ses états

D’une seconde vie pour de vrai et pas seulement en pensée, et puis d’une troisième et puis…

Qu’il n’y ait pas (trop) d’injustice dans le monde

Que les mères et les pères puissent élever leurs enfants dignement

Que chacun ait sa chance, et même mille chances

De cette révolution que je voudrais non-violente, surtout Gandhi, un peu Che Guevara

Des soirées à refaire le monde sans avoir mal aux cheveux au réveil

De voyager une fois par an sans polluer la planète, discuter dans leur langue avec les gens que je rencontre, écouter le récit de leur (s) chemin (s) et paysages, les quitter en promettant de se revoir, mais non en fait ne pas les quitter puisque ce n’est qu’un au revoir et que, même absents, ils seront toujours présents

D’un carré de chocolat noir si dur à croquer que j’ai l’impression d’y laisser ma dent

Que l’on chante à tue-tête au moins une fois par jour

De rire, de rire, de rire pour arrêter le temps et conjurer la mort

D’un coucher de soleil rougeoyant qui me fait croire à la transcendance

De croire que l’univers est une création à quatre mains

D’une immense ronde où tous les gars du monde se donneraient la main et chanteraient « quand les hommes vivront d’amour »

Tout cela, c’est peu et beaucoup à la fois, même si j’ai l’impression de n’avoir pas besoin de beaucoup. Allez, je m’en vais tenter de vivre à la bonne heure et maintenant, c’est l’heure du sport !

A tous, salut, salam, shalom, paix, peace. Take care and stay home !

 

 

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