Zazie dans le rétro (février 2020)

La vie nous dévore. Nous avons beau décréter vouloir la vivre pleinement, c’est elle qui nous domine, elle est plus forte et nous broie. Ou du moins ce qui nous broie est ce tourbillon permanent, de nos micro-décisions répétées – les plus insignifiantes comme les plus essentielles – aux grands mouvements du monde dans lesquels nous essayons de nous inscrire. Entre les deux nous cherchons un sens, pour les particules individuelles que nous sommes, et les agrégats liquides des collectifs auxquels nous appartenons de façon plus ou moins volontaire et engagée. Nous essayons de marcher les sens aux aguets. Trébucher, se rattraper de justesse, tomber, parfois lourdement, se relever, panser ses blessures, regarder ses cicatrices, repartir, courir. Sous l’œil permanent de L’horloge qui, elle, se contente de compter. Qui dit oui, qui dit non, qui dit je vous attends (merci le grand belge). Et un jour notre horloge s’arrête et la mort nous cueille.

En attendant nous cherchons du sens, dans nos mémoires, nos discours et nos actes.   Et dans le brouhaha permanent de ceux qui nous sont servis. J’ai parfois une once d’admiration pour ceux qui arrivent à cultiver leur jardin sans entendre les rugissements du monde, les bombes qui tombent, les pleins d’espoir qui se noient, les portes qui se referment, les murs qui se dressent. En un mot comme en cent, je n’arrive pas à m’extraire de ce qu’on désigne par « actualités » cette représentation du monde que nous donnent à voir nos journaux, postes tvs, journaux papier, journaux on ze web, essais, romans, nouvelles, spectacles, séries…Donc sélection totalement subjective pour février 2020, quelques prénoms en exergue.

Bob et Babeth

J’ai longtemps eu une grande admiration pour le couple B… Robert qui se bat contre la peine de mort, Elisabeth pour l’émancipation des femmes. Comment ne pas applaudir des deux mains un tel engagement au sein d’un même couple, complètement désintéressé, au service, soyons lyriques, de l’humanité dans son universalité ? J’ai commencé à avoir quelques doutes quand un proche me décrivit l’arrogance de Bob dans les cocktails mondains du Paris des années post 81. « Gaaarçoooon apportez nous à boire, et du champagne vite svp ». J’avais été intrigué à l’époque, ma source était fiable, et je ne pouvais imaginer qu’un socialiste se comporte avec arrogance et vive loin des manières des gens simples. Je n’avais pas trop su s’il fallait mettre cela sur le compte de prédispositions personnelles de Bob ou de cette libération de tant de frustrations accumulées, par tant de socialistes privées du pouvoir pendant plus de 20 ans et l’ayant si ardemment désiré au nom du peuple souverain. Le temps a passé et l’homme a gardé son aura intacte, faisant figure de grand sage. Faible (voire inexistante) production intellectuelle mais présence aux bons endroits…Le doute revint lorsque qu’en janvier 2016 l’homme commit un rapport avec Antoine Lyon-Caen sur un truc du genre « la nécessaire adaptation du droit du travail pour une économie compétitive dans la mondialisation mondialisée, pour que les méchants chinois ne nous piquent pas tous le boulot et que les gentils patrons créent de la richesse sans avoir à se soucier des salariés qui réclament leur dû». Deux figures de gauche apportaient leur caution au massacre programmé du droit du travail, ce truc ringard qui fait rien qu’à défendre des acquis sociaux d’un autre âge et empêchent nos gentils start-uppers et entrepreneurs de créer de la richesse qui va ruisseler sur la gueule de la plèbe. La suite on la connait : loi Valls-Khomry, CICE, patincouffin, et le candidat des marchés à l’Elysée, avec l’affichage revendiqué de mise en charpie de l’héritage du Conseil National de la Résistance.

Mais où veux-tu en venir ? Attends attends, j’y viens. Et bien le monsieur a aujourd’hui un âge bien avancé. Les journaux ont surement déjà sa nécro en magasin. Et voilà donc qu’on le sort de la naphtaline pour un plateau télé bien orienté genre « pédagogie et formatage des esprits ». On parle de la pluie et du beau temps, pas trop dur de vieillir, oh un peu surtout du côté du derrière (Céline cité par Lucchini) …Et vient le sujet de la tête en carton du monarque au bout d’une pique (tiens ça sonnerait bien comme surnom pour notre roi : ToutenKharton !). Alors Bob s’indigne, monte sur ses grands chevaux, retrouve sa verve des eighties, trouve cela insupportable et patati et patata. Effet réussi, la séquence est entre de bonnes mains, la vidéo tourne en boucle, 100 000 vues au minimum sur touitoui. Pas un mot de Bob pour les éborgnés, pour cette dame qui prend une grenade au visage alors qu’elle ferme sa fenêtre et décède des suites de son opération. Pas un mot pour Steve qui voulait juste aller danser (Julien Clerc) et qui finit noyé sous la pression des jongleurs du LBD…Rien, nada. Pas un mot pour dénoncer la violence sociale, symbolique et matérielle, du pouvoir actuel. On ne peut qu’être stupéfait d’une telle position venant d’un ministre de Mitterrand. La vieillesse est un naufrage. Vite remettez le dans la naphtaline. On l’avait oublié, mais Bob et Babeth sont avant tout de grands bourgeois et savent où sont leurs intérêts. Je vous parlerai de Babeth une autre fois, promis. Juste vite fait, aux dernières nouvelles, je ne l’ai pas entendu soutenir Adèle Haennel et Florence Forresti. Elle n’a pas la télé ou elle a un problème qu’elle n’arrive pas à résoudre ?

Mila suis-je ?

Une jeune fille de 16 ans se cherche, s’affirme, a envie d’exister. Elle s’emmerde probablement. Peut- être une souffrance, réelle, même si elle est d’une grande banalité. Elle parle drague, son genre, pas son genre, se fait alpaguer par un lourdaud. Elle le dégage, il insiste, le ton monte. Affaire d’Etat pendant quinze jours. C’est que le lourdaud n’est pas de chez nous, il porte cette fameuse culture inassimilable. Je n’ai pas l’enchainement exact des échanges, mais ça prend rapidement le chemin de la religion, revendiquée, fantasmée, caricaturée.

Il faut être « pas bien dans sa tête » pour menacer quelqu’un de mort, même si les propos tenus concernent une religion. Ces dangers publics masqués doivent être recherchés, retrouvés si possible et jugés avec la plus grande sévérité. Cela aidera à calmer les abrutis tentés par les mêmes menaces. J’ai toujours soutenu que même lorsqu’on pouvait se sentir insultés sur sa religion ou son identité ou sa nationalité, les deux attitudes les plus adaptées étaient, ou l’indifférence, ou le pardon et l’amour. J’ai toujours pensé que c’est par l’exemplarité de sa conduite que l’on pouvait montrer la justesse (ou la pertinence) de sa croyance (ou non croyance).

Et s’il faut choisir entre une petite conne adolescente qui m’insulte et de dangereux exaltés qui la menacent, je choisis la première. Pas pour la liberté d’expression ou la laïcité ou je sais pas quoi mais parce qu’on ne menace pas de mort quelqu’un qui raconte des conneries (je vous précise ça après).

Ceci étant dit quelques remarques quand même. Sur les « rézo socio » d’abord. J’ai du mal à comprendre ces personnes, dont nombre de gens que j’estime, qui passent leur temps là-dessus à s’invectiver. Qu’est-ce que cela peut bien leur apporter ? Ces « agoras » de la high tech ressemblent à d’immenses bistrots du coin (Umberto Eco) où les clients arriveraient frustrés, déjà bourrés et bien sûr masqués. Le patron n’a pas besoin de servir un verre (on se demande bien comment il gagne sa vie d’ailleurs), les clients se tapent tout de suite sur la gueule. Misère de l’époque.

Et puis quand même, sur le fond des propos de notre Mila, mais surtout de l’emballement. Vous pouvez insulter ma prétendue « culture d’origine » (vous savez qu’on a tous des origines ?), vous ne serez pas le premier, pas origin-al. Soyez rassuré à l’instant : je vous emmerde (en toute fraternité). Je suis tellement habitué. Je passe mon chemin. Et je vous dédie cette magnifique phrase que connaissent tous les catholiques pratiquants « Seigneur pardonne nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». C’est ce que font d’ailleurs l’immense majorité de ceux qu’on affuble du qualificatif soupçonneux de musulmans même quand ils bouffent du porc et se bourrent la gueule … Ils vous disent comme dans la réplique d’Aimé Césaire : « le Nègre il t’emmerde ».

Et toujours sur le fond, il ne peut s’agir uniquement de liberté d’expression quand les attaques sont sélectives et toujours orientées dans la même direction. C’est que l’on a choisi, que l’on se construit, un ennemi. La jeune fille en question adepte du « doigt dans le cul » semble avoir quelque attirance pour le toucher rectal ou la proctologie…Grand bien lui en fasse, il y a du boulot là-dedans. Je suis davantage attiré par la bière, de préférence forte, avec une pointe d’amertume. La bière c’est diurétique. Après quelques pintes, je pourrai donc dire « je pisse sur… ». Et ajouter un symbole religieux, une divinité, une sainteté, un livre, bien d’autres choses encore. Je vous donne une liste ? Vous pouvez le faire vous-même. Le résultat ne serait pas très élégant, et les cris d’orfraie viendraient vite…

Donald et Benjamin

15% ça claque comme un rabais dans une négo de marchand de tapis. Ou plutôt d’un promoteur immobilier qui croit que tout s’achète…15% c’est la part de la surface de la Palestine dite « mandataire » qui reviendrait à ces pauvres planteurs d’oliviers qui vivaient là depuis des siècles, peut-être même depuis 2500 ans si l’on en croit Shlomo Sand, et qui ont été priés, plus ou moins aimablement, d’aller voir ailleurs. Un bantoustan /archipel avec un tunnel pour relier deux portions de territoire. Mauvais scénario…Les protestations sont mesurées, quand elles existent. Indifférence, usure, la tête ailleurs ? Sur ce sujet, les sensibilités sont toujours à fleur de peau. Un signe de ponctuation, un sous-entendu putatif, une tonalité, un mot peuvent être interprétés, et un camp peut vous assaillir. Pro ceci, pro cela… sommé de choisir son camp. Les dominants d’aujourd’hui devraient savoir que la supériorité militaire oblige à des négociations en vue d’une solution politique. L’ivresse d’une supposée victoire peut vous rendre aveugle. En tout cas c’est mal barré. De toute évidence, il n’y aura pas deux Etats, mais un seul. Et les dominants auront en face des dominés, citoyens de seconde zone, qui réclameront une citoyenneté pleine et entière. Cela promet d’autres conflits. Mais après tout je ne suis pas directement concerné, alors pourquoi devrais-je m’y intéresser ? Peut être simplement parce que je ne peux pas être indifférent à l’injustice. Si celle-ci était réparée, ces deux peuples vivraient en paix sur ce même territoire. Ils pourraient certainement éclairer cette région, et même le monde. Mais on en est (très) loin et je n’ai pas de solution.

Corona

La « fait-diversion » fonctionne à fond. Pendant ce temps, la destruction de l’héritage du Conseil National de la Résistance continue… Notre santé, notre dignité, notre formation, notre boulot, notre culture, notre vieillesse…Le rouleau compresseur est en marche, avec le support décérébré et zélé d’une majorité de godillots nourris au tableur Excel (les fantassins), de faiseurs d’opinion omni-présents (l’aviation) et de technocrates prétendument de gauche et progressistes (les sous-marins). Je ne vous en parle pas beaucoup, sans doute un peu de lassitude.

Monsieur Richard

Cela faisait quelque temps que je ne l’avais pas vu. J’ai demandé à Jean-Marie, mon pote légionnaire à la retraite. Monsieur Richard est mort en décembre, apparemment d’une hémorragie interne. Il avait dans les 75 ans, habitait seul, sans doute sous curatelle. De temps en temps sa famille, qui habitait dans la région, l’invitait pour une communion ou une autre fête. Quand je le croisais, on tapait la discute. Il avait fait philo à la Catho de Lyon, pas mal chahuté en 68. Puis avait officié comme secrétaire de mairie. Il me demandait des nouvelles des enfants, qu’il avait vu grandir. Ses journées passaient, entre  le club de cartes et le bistrot, dont il attendait l’ouverture le matin. Je ne l’ai jamais vu boire autre chose que des cafés. C’était un de mes repères dans le quartier. Toujours souriant et chaleureux.

J‘ai appris tardivement son départ. Nous n’avons plus les avis de décès qu’enfant nous écoutions religieusement. Ces rituels nous reliaient au monde, à ceux qui nous entourent. Nos vies « modernes » les ont brisés et affaibli notre présence aux autres. Je ne le verrai plus, Rest In Peace Monsieur Richard.

Paul, Nadia et les autres

Je découvre les séries tardivement. J’avais un peu snobé ce phénomène, pas assez ceci, pas assez cela. Il n’y a que les cons qui ne changent jamais d’avis. Au hasard, j’ai cliqué sur Narcos (Medellin/Escobar) et ai tout dévoré en 2 week-ends. Dans la foulée, j’ai aussi englouti la vie putative des agents infiltrés de la DGSE dans le « Bureau des Légendes ». Quatre saisons en une semaine. Couché tard, levé tôt, c’est pas une vie de crever de sommeil au boulot, en attendant de découvrir la suite. Bon Canal+ c’est quand la saison 5 ? Là je suis un peu orphelin. Magnez-vous et ramenez-moi la belle Nadia El Mansour !

Benjamin 2 – Décryptage grivois (âmes sensibles s’abstenir)

Alors là il a fait fort le mec. J’avais discuté avec lui au moment des législatives en 2017. Il m’avait fait l’effet d’un arriviste qui croit bien faire en singeant les start-uppers. Le chantage au cul c’est une vieille technique que connaissent tous les voyous. Dans le temps, c’était des photos prises à la sortie de l’hôtel avec le bon (télé) objectif. Maintenant il y a en plus les vidéos, selfies, et rézo socio. Je ne vais pas le plaindre, quand on est con, on est con (merci Georges). Et quand on est un homme politique, on est en activité 24h/24. Dénoncer le niveau de violence, pure hypocrisie : l’OAS, le SAC, le faux suicide de Robert Boulin. La politique a toujours été violente. Alors je trouve que nos experts ne nous ont pas tout dit. Dans le genre « on s’arrête, on réfléchit » sur une chaine en continu, j’attends impatiemment :

«Ce soir à 20h grand débat animé par (En) Ruth MilGriefs. Invité spécial, Rocco Siffredi, consultant international, auteur de ce qui s’annonce déjà comme un best-seller « Election ou Erection, il faut choisir ». Face à lui Lapine Corano, parlementaire plus connue sous le nom de code « IKEA » (car facile à monter), qui publie une tribune remarquée dans « l’immonde » : « Un Sire concis vaut-il mieux que deux gros verrats », analyse comparative des pratiques sexuelles des zarabes et des gaulois. Nos invités répondront à deux questions que tous les bien-pensants ont éludé : 1) Benjamin est-il bien monté ? 2) Benjamin est-il gaucher ou droitier ? Ne ratez pas ce grand débat sur BEAT FM, l’info qui vous pénètre, leader sur le créneau du 5 à 7 ! »

Je me marre tout seul. Allez faut que j’arrête parce que j’ai encore beaucoup de délires dans la caboche mais c’est pas raisonnable. Une autre fois promis (enfin je dis ça à tous ceux qui sont arrivés jusqu’ici sur ce blog dont la promotion est le cadet de mes soucis). Là je vais au marché, prendre les tracts des mecs qui veulent que je vote pour eux.

Thats’ all folks ! Allez Salut Salam Shalom Peace Love.

 

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